LE CAS MAGNUSSEN NE FAIT PAS L'UNANIMITé ET C'EST UNE BONNE NOUVELLE

Depuis leur apparition il y a trois ans, les courses sprint font régulièrement l'objet de débats. Samedi à Miami, ce n'est toutefois pas le format qui a fait naître la polémique, mais l'attitude en piste de Kevin Magnussen. Applaudie par Lewis Hamilton, pourtant sa principale victime, et dans le même temps vilipendée par McLaren, la tactique du Danois n'a laissé personne insensible.

Le fait, aussi, qu'une enquête pour "comportement antisportif" soit ouverte, et que les commissaires concluent à l'innocence du pilote Haas tout en optant pour l'eau tiède en regrettant ses manœuvres est une preuve de la sensibilité du sujet. Ne tournons pas autour du pot : certains ont aimé, d'autres pas. Comme certains ont aimé ou détesté voir Lewis Hamilton tenter de ralentir tout un peloton à Abu Dhabi en 2016, comme certains ont aimé ou détesté voir Sergio Pérez retarder le même Lewis Hamilton sur le même tracé cinq ans plus tard. Les exemples ne manquent pas.

Factuellement, Kevin Magnussen a joué avec une réglementation qu'il connaissait, et l'a reconnu. Il savait qu'il pouvait dépasser les limites (au propre comme au figuré) face à Lewis Hamilton en empilant les pénalités sans risquer davantage. Andrea Stella a eu beau réclamer une suspension, on voit mal sur quel critère auraient réellement pu s'appuyer les commissaires pour en arriver là.

Toutefois, le pilote Haas a tout de même joué avec le feu, puisqu'avec trois points de pénalité supplémentaires sur sa licence (et deux autres dimanche en course), il n'est plus qu'à deux petites longueurs d'une suspension automatique. Sachant qu'aucun de ces points ne sera supprimé avant mars 2025, le danger est désormais réel. Preuve aussi, finalement, que le clan McLaren n'avait peut-être pas besoin de s'égosiller pour réclamer une sanction qui n'est pas tout à fait à exclure.

Un concours de puristes ?

Kevin Magnussen devant Lewis Hamilton à Miami.

Photo de: Zak Mauger / Motorsport Images

Que l'on apprécie ou pas ce qu'a fait Kevin Magnussen pour assurer des points précieux à son écurie, marqués devant lui par Nico Hülkenberg, ce n'est d'ailleurs peut-être pas la question. Ce qui est intéressant, c'est que l'incident survient au beau milieu d'un autre débat, celui de l'évolution du barème de points en Formule 1. Le consensus déjà largement perceptible ne fait planer que très peu de doute, il sera modifié pour aller au-delà de la 10e place. Reste à savoir dans quelle mesure. Et s'émouvoir des tactiques employées samedi apporte peut-être, parallèlement, du crédit à cette idée.

Dans le cadre d'un Grand Prix traditionnel (on peut reprendre le comportement identique adopté à Djeddah), et avec des points en jeu bien au-delà de la 10e position, qu'aurait fait Kevin Magnussen puisqu'il aurait lui-même eu quelque chose à jouer ? Malgré lui, il est peut-être devenu l'avocat d'une cause qui viserait à récompenser désormais un maximum de pilotes par des points.

Pour ouvrir la voie au changement, le directeur d'Aston Martin, Mike Krack, a prétexté une nouvelle approche en Formule 1 : "Nous ne sommes plus les puristes que nous avons été pendant de nombreuses années". Un argument peut-être facile, car définir un puriste ne semble pas beaucoup plus aisé que de tracer la ligne jaune entre un comportement sportif et antisportif. Parmi ceux qui aiment à penser qu'ils sont des "puristes", nul doute que l'on trouvera des défenseurs de ce qu'a fait Kevin Magnussen autant que des accusateurs, et des partisans de la valeur précieuse du point marqué en Formule 1 comme des militants pour un barème élargi.

Dans un sport international qui s'aseptise, se modernise et se professionnalise dans l'espoir de tutoyer la perfection, la place de l'interprétation et du ressenti ne cesse d'être réduite. La bonne nouvelle, prouvée par la polémique Magnussen, c'est qu'elle ne semble pas vouée à disparaître. Et un double Champion du monde quadragénaire du nom de Fernando Alonso n'a pas manqué de le rappeler ces derniers jours : "Il est évident que nous avons des opinions différentes, mais cela arrive dans tous les sports. Même quand on regarde le foot à la télévision, selon l'équipe qu'on soutient, il peut y avoir carton jaune, carton rouge ou pas. Je pense que nous aussi, nous aurons toujours des opinions différentes".

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