LES RAPPORTS SEXUELS AMéLIORENT-ILS LA PERFORMANCE SPORTIVE?

Comme le veut la coutume, le Village olympique des Jeux de Paris mettra cet été à la disposition des athlètes 230 000 préservatifs. C’est moins qu’aux Jeux de Rio (450 000) et plus qu’à Tokyo (160 000).

Les organisateurs s’attendent donc à une activité sexuelle intense durant l'événement. Et si tout cela n’était qu’une opération publicitaire? Si tout cela relevait du mythe?

C’est ce que pense Jean-Luc Brassard, champion olympique de ski acrobatique, chef de mission adjoint aux Jeux olympiques de Sotchi et chef de mission à ceux de Rio, joint par Radio-Canada Sports.

C’est sans aucun doute un coup de pub de la compagnie qui fournit les condoms, lance-t-il. Il faut savoir que l’intimité au Village olympique n’est pas une valeur absolue. On parle même de promiscuité dans les chambres assez spartiates des athlètes.

De plus, la plupart du temps, les athlètes doivent laisser leur place après leur compétition. Une chose qui est sûre, c’est que certaines délégations vont profiter de leur passage au village pour récolter les préservatifs qui sont rares dans leur pays, explique l’ancien médaillé olympique.

Le rêve olympique ne dure que quelques jours, voire quelques heures dans le village, le rapprochement entre les athlètes serait pour le moins rapide, précise-t-il. Les athlètes ont vraiment autre chose à penser qu’au sexe. C’est un mythe que le Village des athlètes serait un joyeux bordel à ciel ouvert. Il faut aussi penser que tu n’entres pas comme cela dans l’immeuble d’une délégation, c’est très surveillé.

Pour Jean-Luc Brassard, tout cela n’est donc qu’un immense coup de pub. On fantasme même sur tous ces jeunes athlètes aux corps sculpturaux qui auraient de la testostérone ou de l'œstrogène à revendre. Il avoue quand même que des rumeurs au sujet de certains pays où les athlètes seraient plus actifs seraient justifiées.

Il ne faut pas oublier que les condoms aux anneaux olympiques deviennent, avec le temps, des objets de collection. Un singulier souvenir, tout de même.

Certes, l'activité du site de rencontre Tinder ne dérougit pas durant les Jeux olympiques, mais de là à conclure à des ébats assurés, il y a des limites. Quoiqu'il en soit, la question de l'activité sexuelle synonyme de réussite sportive reste posée.

Selon une spécialiste française, les athlètes ne seraient pas plus actifs que le reste de la population.

Ils ne sont pas plus chauds lapins que les autres dans la société, affirme la Dr Carole Maître, gynécologue et médecin du sport à l’Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), en France.

Leur sexualité est comme celle de la population générale, a-t-elle affirmé à France Info. D'après une enquête qu'on a faite il y a quelques années, leur fréquence de rapports sexuels est la même que dans la population générale de leur âge.

Selon Carole Maître, plus de 80 % des sportifs et sportives considèrent que leur sexualité n’a aucun impact sur leurs performances.

Abstinence avant une compétition, un effet placebo?

La plupart des spécialistes en sont venus à la conclusion qu’une relation sexuelle avant une compétition ou, à l'opposée, l'absence de relation n’aurait aucun effet sur le résultat sportif.

En 2018, une recherche américaine a tenté de le démontrer avec plus d’une dizaine d'athlètes de haut niveau.

Certains ont été soumis à une activité sportive intensive sans avoir eu d’échanges sexuels tandis que d'autres avaient eu des rapports 12 h avant. Aucune différence entre les deux groupes n'a été remarquée quant à leur performance sportive.

N’en déplaise à l’entraîneur de soccer de l’équipe de Bosnie-Herzégovine, Safet Susic. À la veille de la Coupe du monde au Brésil, en 2014, il avait privé de sexe l’ensemble des joueurs de son équipe qui, malgré tout, a été éliminée au premier tour.

L'équipe du Brésil, quant à elle, était la favorite du tournoi. La consigne des médecins de l’équipe était claire : du sexe, oui, mais pas d’acrobatie. Les Brésiliens ont été humiliés 7-1 par l’Allemagne en demi-finale.

Bon, certains avancent l'exemple du boxeur Mohammed Ali, qui s’abstenait de toute activité sexuelle six semaines avant un combat. Mais la preuve scientifique, elle, tarde à venir et le doute continue.

En 2016 est arrivé un premier élément de réponse.

Deux chercheurs canadiens – Samantha McGlone, une ancienne triathlonienne olympique, et le Dr Ian Shrier, ex-président de l’Académie canadienne de la médecine du sport – ont alors publié le fruit de leurs recherches. Le titre de leur étude Le sexe la veille de la compétition diminue-t-il les performances?

Leurs conclusions sont éclairantes.

Faire l’amour une nuit avant une compétition n’altère en rien l’endurance et la force physique. En matière de consommation énergétique, cela tourne entre 25 et 50 calories, soit l’équivalent de monter les marches sur deux étages ou de faire cinq petites minutes de jogging.

Une autre étude, menée auprès de 2000 marathoniens cette fois, a révélé que ceux qui avaient eu une activité sexuelle avant la course avaient obtenu de meilleurs résultats que les autres.

Mais attention, une autre étude, venue de la Caroline du Nord, a montré que la libido diminue chez les athlètes qui se préparent à un marathon.

Plus précisément, 1080 athlètes étudiés, dont 595 qui se préparaient à faire un marathon, se sont entraînés trois fois 45 minutes chaque semaine. Ces 595 ont vu leur libido diminuer de 20  % comparativement à ceux qui s'entraînaient pour autre chose qu'un marathon.

Le philosophe grec Platon avait peut-être raison, lui qui conseillait aux marathoniens d’éviter l’intimité sexuelle avant les courses.

Alors, qui croire?

Certains scientifiques voient, dans l'activité sexuelle avant une compétition, un moyen de réduire le stress. Une sorte d'anxiolytique naturel.

Même si cela n'a aucune valeur scientifique puisque l'échantillon de répondantes était trop faible, il apparait que les coureuses auraient de meilleurs résultats après une relation sexuelle. Le stress diminuerait et apporterait une certaine sérénité favorable à la performance.

Le flou reste donc entier sur les vertus de l'activité sexuelle pour les athlètes.

Dans un cas comme dans l'autre, l'athlète pourra toujours s'en servir comme excuse en cas de victoire ou de défaite.

Ce qui est certain c’est qu’il n’y a donc pas de recette miracle et rares sont ceux qui en ont parlé publiquement. Le joueur de tennis français Fabrice Santoro est de ceux-là. En se confiant au quotidien L'Équipe en 2023, il a contribué à lever le voile sur ce qui se passe sous la couette.

Comme Mehammed Ali, il prônait lui aussi les vertus de l'abstinence avant un grand tournoi, mais le double vainqueur de la Coupe Davis a revu par la suite ses calculs.

Au fil de ma carrière, je me suis de plus en plus autorisé à faire l'amour les veilles de match, a-t-il déclaré à des journalistes français. J'ai réalisé que non seulement ça ne me pénalisait pas, mais que ça me donnait la pêche.

Le fruit défendu aura donc porté ses fruits pour le tennisman français.

Un aveu qui est partagé, dans le même article, par l'ancien joueur de cricket Gary Kirsten. Ce dernier incitait ses coéquipiers à l'imiter, prétextant que faire l'amour avant une rencontre décuplait les forces et la combativité.

Quoiqu'on en pense, la seule chose qui réconcilie l'ensemble des scientifiques, c'est le fait que faire l'amour est aussi bénéfique que la pratique du sport.

À titre d'exemple, 40 minutes sous la couette, avec sa ou son partenaire, équivaudraient à 20 minutes de course à pied.

On ne parle pas ici d'un exploit ou d'une discipline olympique, bien sûr, car personne ne s'attend à recevoir une médaille ou prétendre monter sur les plus hautes marches des podiums après sa performance...

2024-05-01T15:45:19Z dg43tfdfdgfd