CANADIEN : LE TRAVAIL, C’EST LA SANTé

Le baromètre à l’aune duquel est jugé le Canadien par la direction ces jours-ci n’est pas très élevé… et pour cause.

Non pas que les grands patrons ne croient pas en leur équipe, simplement qu’ils constatent, comme n’importe quel observateur de la chose, que les joueurs partent d’un peu plus loin que ce qu’ils avaient prévu.

Dans ce contexte, toutes les victoires sont accueillies avec un petit soupir de soulagement, comme celle acquise par le Canadien mercredi soir, à Columbus, par la marque de 4-3 en prolongation contre les Blue Jackets. Nick Suzuki, Cole Caufield, Emil Heineman et Juraj Slafkovsky ont tous touché la cible et, dans le cas du Slovaque particulièrement, ont pu retrouver, ne serait-ce que momentanément, ce sourire que la défaite et l’inconstance avaient chassé récemment.

On pourrait disserter longuement des raisons qui expliquent cet apparent recul du CH en ce début de saison par rapport à la fin de l’année dernière. La jeunesse et le manque de maturité, le départ de vétérans, une stagnation dans la progression de certains espoirs : voilà des explications qui se valent, dont on peut débattre.

Or, ce qui rebutait Martin St-Louis et, l’on imagine, Kent Hughes et Jeff Gorton, ce que l’entraîneur qualifiait dans les dernières semaines d’inacceptable, c’était ce manque d’effort, cette hébétude dans l’adversité.

Mercredi, l’équipe a travaillé. Quand les Jackets ont ouvert la marque en première période, le CH a travaillé… et il a créé l’égalité quatre minutes plus tard. Quand Yegor Chinakhov a porté le compte à 2-1 pour Columbus au deuxième vingt, le CH a travaillé… et créé l’égalité deux minutes plus tard.

Et lorsque Zach Werenski a envoyé tout le monde en prolongation avec un but chanceux en fin de match alors que le Canadien jouissait de sa première avance de la rencontre, les hommes de St-Louis ont travaillé. Jusqu’à la toute fin, jusque dans cette combativité du capitaine pour sauter sur son propre retour et trancher le débat.

Une première victoire du Bleu-blanc-rouge en prolongation (1-3); une première victoire après avoir accordé le premier but (1-9-3).

Actuellement, en toute honnêteté, c’est à peu près tout ce que demande l’entraîneur. Plus tôt cette semaine, St-Louis a envoyé Slafkovsky et Kirby Dach, deux jeunes hommes en petite crise existentielle, parader au sein du quatrième trio avec Joel Armia.

Un message? Non, a-t-il répondu. C’est l’heure de travailler.

Il y avait dans cette hargne à défendre le centre de la glace, dans ces quelques bons coups d’épaule, dans cet esprit de sacrifice en désavantage numérique, les traces d’un groupe las de ces humiliations récurrentes, de ces doutes, de ces sables mouvants desquels ils peinent tellement à s’extirper.

Après avoir offert quatre prestations solides d’affilée à la mi-novembre, l’équipe était retombée dans ces travers contre Vegas samedi dernier. En tentant de corriger sa porosité défensive mardi soir avec un certain succès, elle s’est complètement éteinte à l’attaque comme ç’avait déjà été le cas plus tôt en saison. À l’ère du multitâche, le CH demeure obstinément unidimensionnel.

Mercredi, par contre, il est parvenu à limiter les Jackets à 24 tirs au but, eux qui en dirigent en moyenne 32 par match au 4e rang de la ligue, et à lancer 23 fois. On s’est partagé équitablement les chances de marquer, ce fut une bien meilleure copie.

Contre un adversaire ordinaire, s’entend, mais personne n’a le luxe de faire la fine bouche ici.

Ces absences remarquées

Jusqu’à preuve du contraire, les jeunes joueurs de cette équipe ne sont pas encore en mesure de la transporter sur leurs épaules. C’est plutôt les saintes colères de David Savard, la transparence de Jake Evans et la pugnacité de Brendan Gallagher qui dictent le tempo.

Mardi soir, Savard a explosé avec un arbitre; Gallagher a distribué 10 mises en échec, le plus haut total de sa carrière de 774 matchs dans la LNH. Mercredi, il a jeté les gants contre Zach Werenski, un adversaire à qui il concède 5 po (12,7 cm) et 26 lb (11,8 kg), une première en près de deux ans.

Ça crève les yeux : les plus expérimentés sont exaspérés. Les jeunes ne sont pas plus heureux de patauger au 29e rang du circuit Bettman, mais semblent canaliser leur énergie différemment. Qu’on pense à Dach ou à Slafkovsky pour qui les attentes sont élevées ou à Arber Xhekaj plus tôt cette année, c’est souvent l’abattement qui les afflige quand les choses ne tournent pas rond.

Pour Gallagher et les vieux, c’est la frustration, la combativité, le désir de s’en sortir par, on n’en sort pas, le travail.

L’an passé, le CH a laissé partir deux de ses vétérans : Jake Allen et Sean Monahan.

Celui-ci patinait dans le camp adverse mercredi. Ç’a été un match plutôt discret pour l’ancien du Canadien, mais ce sont des débuts flamboyants avec sa nouvelle équipe. Il totalise 20 points en 21 matchs dont 7 buts.

Montréal avait soumis une offre au buteur de Brampton l’été dernier pour conserver ses services : une offre peu compétitive qui n’avait aucune chance de le garder au Québec. Juste pour essayer, sans être véritablement sérieux.

Il convient de constater qu’avec Monahan dans la formation, les Blue Jackets, une équipe qui a été frappée par une terrible tragédie juste avant le début de la saison et par d’importantes blessures depuis, maintient une fiche de ,500 (9-9-3), bien au-delà de ce qu’on lui prédisait.

L’équipe a inscrit 21 buts à cinq contre cinq lorsqu’il est sur la glace et en a donné 10. Son impact est réel.

Un peu d’histoire. Récente, qui plus est. Au cours des 74 matchs que Monahan a disputé avec le CH à cheval sur deux campagnes, l’équipe a joué pour ,500. (32-32-10).

Sans lui? Un ratio de ,389 en vertu d’une fiche de 29-49-12. Il n’en est évidemment pas le seul responsable. Mais les vétérans importent. Dans cette ligue, ils sont essentiels, même en pleine reconstruction.

À méditer avant d’envoyer par-dessus bord, sans plan adéquat pour les remplacer, Mike Matheson, David Savard, Joel Armia et Christian Dvorak dans trois mois.

2024-11-28T03:30:59Z